Notre école était rue Legendre
À huit heures, il fallait descendre
La maison, juste au coin en bas,
Ressemblait au château de Blois
Des gargouilles au bout des gouttières
La façade était tout en pierres
Et les balcons de fer forgé
En feuillages entrelacés
Le voisin au deuxième étage
Se plaignait beaucoup du tapage
Quand je jouais sur le piano
En marquant du pied le tempo
Sur la place, au bout du trottoir,
C'était la rue Léon Cosnard
Rien que le nom, c'était trop beau !
Ça nous faisait jusqu'au métro
Mais tout au fond dans ma mémoire
Il manquait un bout à l'histoire
D'autres images et d'autres lieux
Le passé semblait déjà vieux
Et puis un soir, tout près d'Avranches
Un vendredi ou un dimanche
Depuis la scène et côté cour
Je vous ai vue en contre-jour
J'ai reconnu, du haut des marches,
La silhouette et la démarche
Cinquante ans se sont envolés
Mon enfance a ressuscité
Vous aviez toujours fière allure
Des cheveux blancs jusqu'aux chaussures
J'aurais voulu vous embrasser
Mais j'étais trop intimidé
Je vous ai dit "Bonjour maîtresse"
Avec cette infinie tendresse
Que vous posiez entre nos mains
À l'école, tous les matins
C'était au cours préparatoire
Récitations et cours d'Histoire
C'était si loin mais d'un seul coup
Je me suis souvenu de tout
L'odeur des craies, les sacs de billes
Sous le préau, les cris des filles
Les bons points dans les boîtes en fer
Les pupitres avec nos affaires
J'ai pris votre bras pour descendre
Nous étions toujours rue Legendre
C'est pour vous seule que j'ai chanté
Ce soir-là, pour vous remercier
De ces riens, bonheurs ou bêtises
Qui vous forgent, qui vous construisent
Et vous restent comme un trésor
Qui se tait mais qui brille encore
Mes plus beaux souvenirs d'enfance
Dormaient là, dans votre silence
Je croyais les avoir perdus
Et soudain, vous êtes apparue
Votre regard, tout près d'Avranches
Un vendredi ou un dimanche
Dans la lumière de vos yeux bleus
Renouait le fil des jours heureux
Et puis un jour, c'est votre fille
Qui, de la part de la famille,
Nous a fait part de sa douleur
Vous étiez partie pour ailleurs
Le lendemain, de cette adresse
Parvenait un mot de tendresse
Comme un signe sur le chemin
Une lettre de votre main
Le bonheur de nos retrouvailles
N'aura duré qu'un feu de paille
En nous laissant sur le tableau
Un grand soleil comme un cadeau
Et dans le cœur, tout près d'Avranches,
Un vendredi ou un dimanche
Votre sourire et votre voix
Madame Jeanne Sévilla
À huit heures, il fallait descendre
La maison, juste au coin en bas,
Ressemblait au château de Blois
Des gargouilles au bout des gouttières
La façade était tout en pierres
Et les balcons de fer forgé
En feuillages entrelacés
Le voisin au deuxième étage
Se plaignait beaucoup du tapage
Quand je jouais sur le piano
En marquant du pied le tempo
Sur la place, au bout du trottoir,
C'était la rue Léon Cosnard
Rien que le nom, c'était trop beau !
Ça nous faisait jusqu'au métro
Mais tout au fond dans ma mémoire
Il manquait un bout à l'histoire
D'autres images et d'autres lieux
Le passé semblait déjà vieux
Et puis un soir, tout près d'Avranches
Un vendredi ou un dimanche
Depuis la scène et côté cour
Je vous ai vue en contre-jour
J'ai reconnu, du haut des marches,
La silhouette et la démarche
Cinquante ans se sont envolés
Mon enfance a ressuscité
Vous aviez toujours fière allure
Des cheveux blancs jusqu'aux chaussures
J'aurais voulu vous embrasser
Mais j'étais trop intimidé
Je vous ai dit "Bonjour maîtresse"
Avec cette infinie tendresse
Que vous posiez entre nos mains
À l'école, tous les matins
C'était au cours préparatoire
Récitations et cours d'Histoire
C'était si loin mais d'un seul coup
Je me suis souvenu de tout
L'odeur des craies, les sacs de billes
Sous le préau, les cris des filles
Les bons points dans les boîtes en fer
Les pupitres avec nos affaires
J'ai pris votre bras pour descendre
Nous étions toujours rue Legendre
C'est pour vous seule que j'ai chanté
Ce soir-là, pour vous remercier
De ces riens, bonheurs ou bêtises
Qui vous forgent, qui vous construisent
Et vous restent comme un trésor
Qui se tait mais qui brille encore
Mes plus beaux souvenirs d'enfance
Dormaient là, dans votre silence
Je croyais les avoir perdus
Et soudain, vous êtes apparue
Votre regard, tout près d'Avranches
Un vendredi ou un dimanche
Dans la lumière de vos yeux bleus
Renouait le fil des jours heureux
Et puis un jour, c'est votre fille
Qui, de la part de la famille,
Nous a fait part de sa douleur
Vous étiez partie pour ailleurs
Le lendemain, de cette adresse
Parvenait un mot de tendresse
Comme un signe sur le chemin
Une lettre de votre main
Le bonheur de nos retrouvailles
N'aura duré qu'un feu de paille
En nous laissant sur le tableau
Un grand soleil comme un cadeau
Et dans le cœur, tout près d'Avranches,
Un vendredi ou un dimanche
Votre sourire et votre voix
Madame Jeanne Sévilla