Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là, chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc:« Que ferons-nous compère?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut et tes cornes aussi;
Mets les contre le mur: Le long de ton échine
Je grimperai premièrement;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue.»
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience.
«Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence,
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis hors;
Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.»
En toute chose il faut considérer la fin.
*****************************************************
La Fontaine suivra d"a**ez près l"apologue d"Esope (« Le Renard et le Bouc »), un récit a**ez naïf, plutôt que l"imitation de Phèdre, beaucoup plus sèche que celle du grec. C"est cette fable que La Fontaine prendra en exemple pour montrer l"utilité de ce genre littéraire et déclarer par la même occasion que des genres considérés comme plus nobles (l"histoire, par exemple) ont moins de portée pédagogique (relire à ce sujet la « Préface de La Fontaine ») (1668). La fable est à rapprocher, de par le stratagème utilisé, d"une autre fable de La Fontaine, « Le Loup et le Renard » (Livre XI, fable 6).
Encorné: Terme burlesque pour nommer le bouc, animal à cornes.
Abondamment: Eurent bu de l'eau en abondance.
A l'aide de cette machine: A l'aide de ce procédé.
Par ma barbe: Formule de serment à double sens (déjà désuète au temps de La Fontaine).
Il est bon: C'est bon ou ce plan est bon.
Par excellence: Comme insigne distinction.
Hors: Dehors, sorti du puits. Notez le trait d'humour ajouté par La Fontaine dans le jeu de sons. Or... hors..
Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là, chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc:« Que ferons-nous compère?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut et tes cornes aussi;
Mets les contre le mur: Le long de ton échine
Je grimperai premièrement;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue.»
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience.
«Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence,
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis hors;
Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.»
En toute chose il faut considérer la fin.
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là, chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc:« Que ferons-nous compère?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut et tes cornes aussi;
Mets les contre le mur: Le long de ton échine
Je grimperai premièrement;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue.»
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience.
«Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence,
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis hors;
Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.»
En toute chose il faut considérer la fin.
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La Fontaine suivra d"a**ez près l"apologue d"Esope (« Le Renard et le Bouc »), un récit a**ez naïf, plutôt que l"imitation de Phèdre, beaucoup plus sèche que celle du grec. C"est cette fable que La Fontaine prendra en exemple pour montrer l"utilité de ce genre littéraire et déclarer par la même occasion que des genres considérés comme plus nobles (l"histoire, par exemple) ont moins de portée pédagogique (relire à ce sujet la « Préface de La Fontaine ») (1668). La fable est à rapprocher, de par le stratagème utilisé, d"une autre fable de La Fontaine, « Le Loup et le Renard » (Livre XI, fable 6).
Encorné: Terme burlesque pour nommer le bouc, animal à cornes.
Abondamment: Eurent bu de l'eau en abondance.
A l'aide de cette machine: A l'aide de ce procédé.
Par ma barbe: Formule de serment à double sens (déjà désuète au temps de La Fontaine).
Il est bon: C'est bon ou ce plan est bon.
Par excellence: Comme insigne distinction.
Hors: Dehors, sorti du puits. Notez le trait d'humour ajouté par La Fontaine dans le jeu de sons. Or... hors..
Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là, chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc:« Que ferons-nous compère?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut et tes cornes aussi;
Mets les contre le mur: Le long de ton échine
Je grimperai premièrement;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue.»
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience.
«Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence,
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or, adieu, j'en suis hors;
Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.»
En toute chose il faut considérer la fin.