Tounga ka Guêlê (l'exil c'est difficile). Tous les jours, toutes les nuits, je pense à mon pays... Tous les jours, toutes les nuits je pense à l'endroit où j'ai grandi... Mon père m'a dit : « pars, mais là-bas, ne nous oublie pas ! » Et j'ai laissé toute ma famille, ceux du village, les fêtes, le terrain de foot, l'école de monsieur Cissé... Inch Allah quand je serai riche je les emmènerai tous puisque chez nous rien n'est possible et rien ne pousse... Je sais qu'ailleurs, la vie sera meilleure, alors en moi, la tristesse du départ fait place à l'espoir, parce que je me souviens par cœur des images qui m'ont fait rêver chaque soir, et des histoires qui disent que chez les blancs, au nord, en balayant par terre, on ramasse de l'or... Voilà j'y suis... mais déçu ! Au village, qui pourrait croire que tout est dur ici ? Le travail est rare, et elle fait peur, la peau noire ! Comment avouer à mes frères combien de sueur j'ai du verser pour réunir l'argent qu'ils attendent de recevoir de ma part ? Où sont passés les histoires qui parlaient d'or ? Au début, j'ai balayé des trottoirs, mais je n'ai ramassé qu'un salaire dérisoire ! Ici chacun vit pour soir ! Je me sens seul, j'ai froid... faim parfois... Et trop de cauchemars se glissent dans mon sommeil le soir ! Le temps a séché mes larmes... J'ai refais mon chemin loin des miens, j'ai même marié une femme... La peau des enfants ressemble un peu à la mienne, mais ils ne connaissent plus les mots de ma langue d'origine et c'est la vie d'ici qu'ils comprennent... Il est loin le village de mes racines ! Et moi aussi, quand j'y retourne, je m'y sens étranger à mon tour ! Si je dis là-bas la vérité d'ici, ils ne me croient pas et se détournent, et ce n'est que ceux qui viennent qui finissent par saisir qu'il n'y a pas d'eldorado nulle part mais qu'il existe un exil...